Photo : Le cycle de vie de Clytia hemisphaerica. Crédit : LBDV-IMEV-SU-CNRS - Leclère, L. - Houliston, E. Momose,T., Manuel, M., : "Clytia hemisphaerica: a jellyfish cousin joins the laboratory" - a, adapté de "The life-history of Clytia edwardsi (hydrozoa; campanulariidae"), Kubota, S., Hokkaido University, Japon - Elsevier
De nombreux médias se sont récemment intéressés au phénomène de prolifération des méduses et ont mené leurs investigations auprès de spécialistes afin de mettre en perspective les causes probables de ces "échouages" relativement importants sur nos côtes. Activités humaines (comme les nuisances sonores), réchauffement et acidification des eaux, autant de pistes qui tendent à expliquer le phénomène.
Mais aussi qui nous rappelle le rôle central que ces méduses peuvent jouer dans la biodiversité marine (source de nourriture mais aussi rôle de prédateur concurrent d'autres prédateurs ultra-efficaces qui pourraient monopoliser la biomasse disponible...etc...). D'autant que les proliférations observées ne signifient pas que les méduses tirent avantage à tous niveaux des perturbations d'origine anthropique, la relation étant bien plus complexe !
Complexe, et surprenant, les mécanismes génétiques et l'étude évolutionnaire de ces créatures le sont aussi.
Questionné par Libération, Lucas Leclère, chercheur CNRS au Laboratoire de Biologie du Développement (LBDV-IMEV) explique que la prolifération de ces animaux est aussi liée à leur mode de reproduction atypique : «un individu peut produire des milliers de méduses». Il rappelle aussi qu'il a toujours existé des périodes avec une multiplication plus ou moins importante de ces animaux : «Même Aristote témoignait de grandes proliférations de méduses».
Interrogé à l'occasion par Sciences et Avenir, Lucas Leclère aborde ces notions génétiques plus méconnues du grand public : dans le cadre des travaux de décodage du génome de l'espèce commune Clytia hemisphaerica, organisme modèle utilisé par le LBDV, on tente d'identifier les gènes impliqués dans le développement des trois phases de son cycle de vie (larve planula, polype et méduse).
Les conclusions des recherches sont pour le moins étonnantes. La méduse se distingue par son système de reproduction peu commun : à partir de polypes immobiles qui se greffent sur le fond de l'océan "naîtra" une méduse, "nageur libre" et mobile, puis le processus reprendra, comme une forme de clonage, du "nageur libre" au polype, du polype au "nageur libre" en conservant la même information génétique (ce qui explique que l'on peut trouver dans les lectures diverses des termes tels que "régénération" ou "créatures immortelles" quand on se réfère aux méduses...). Et pour se faire, souligne Lucas Leclère, « la méduse utilise un grand nombre de gènes très anciens, hérités de l'ancêtre commun des méduses... et des humains, qui a vécu il y a environ 700 millions d'années. Nous les utilisons pour le développement de l'embryon, alors que les méduses les expriment différemment. »
Lucas Leclère est l'auteur principal de l'article The genome of the jellyfish Clytia hemisphaerica and the evolution of the cnidarian life-cycle récemment publié dans la revue Nature Ecology and Evolution sur le génome des méduses.
"The genome of the jellyfish Clytia hemisphaerica and the evolution of the cnidarian life-cycle", Nature Ecology and Evolution
"Les méduses prolifèrent grâce aux activités humaines", Libération
"Les méduses, vigies des océans", Sciences et Avenir
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