(extrait du rapport final : avant-propos)
Ce
rapport de fin de campagne a été établi à partir des différents
documents remis par les participants. Il constitue une présentation
relativement exhaustive des travaux réalisés sur le Marion
Dufresne. Il s’accompagne de commentaires sur les conditions de
travail à bord, avec un récapitulatif en fin de rapport.
L’inventaire
détaillé des prélèvements et échantillonnages n’a pas été
inclus dans ce rapport à cause de son volume trop important. Il
fait l’objet d’un fichier qui sera transmis par voie électronique
aux participants et qui peut être demandé au chef de mission.
Qu’il
me soit permis de sortir du formalisme d’un tel rapport pour
distraire le lecteur dans les coulisses de cette campagne. Elle
devait porter le numéro 2 dans le programme ANTARES et ce fut la
dernière. Il est vrai qu’au début de cette décade, l’étude
d’un front géostrophique de la taille de ceux rencontrés dans
le bassin de Crozet était considérée comme impossible. Les
outils appropiés n’existaient pas et le projet fut renvoyé à
plus tard.
Après
la campagne ANTARES 3, le projet fut réactivé. Dans un premier
temps, une solution fut recherchée dans une collaboration avec
des collègues australiens et prit la forme d’une campagne avec
deux bateaux, l’Aurora Australis et le Marion Dufresne. La
contrainte de cette solution était d’intervenir sur un site
approximativement à mi-chemin entre Perth et Kerguelen, site pour
lequel il y avait très peu d’informations disponibles. Cette démarche
ayant été rejetée par le comité scientifique de France-JGOFS,
une deuxième solution a été élaborée pour une campagne dans
le bassin de Crozet où les travaux de Young Park et
collaborateurs offraient une base de travail bien documentée.
L’étude des structures frontales à méso-échelle reposait sur
l’intervention de l’équipe de Raymond Pollard avec un
SEASOAR. Cette solution fut également rejetée par le comité
scientifique de France-JGOFS qui recommanda l’utilisation du
TOWYO, moyen national développé par Louis Prieur, pour l’étude
à méso-échelle des structures frontales en Méditerranée. Le
projet définitif fut donc construit sur cette base et le 3
janvier 1999, 43 scientifiques se retrouvaient à La Réunion pour
une aventure inédite. La communauté française était représentée
par une ingénieur de l’INSU et 25 scientifiques venant de 11 laboratoires nationaux. Les collaborateurs étrangers,
au nombre de 17, représentaient 7 nationalités et 10
institutions distinctes.
Avant
même le départ, l’équipe scientifique a été réduite à 42
participants. Le malheureux Christophe Vasseur a du débarquer à
peine monté à bord, son matériel ayant été « égaré »
à Montréal. Grande fut sa déception. Pour les autres, les défits
allaient bientôt commencer. Le premier était de repérer la zone
frontale. Elle se trouvait là où les prévisions la situaient.
Cette apparente facilité cachait la première difficulté. La
pointe du méandre à identifier se trouvait beaucoup plus au sud
que lors des observations antérieures. Il a donc fallu modifier
la position de la station longue (station 3) dans les eaux
subantarctiques ainsi que celle de la grille à parcourir avec le
TOWYO et aussi le sens de parcours. Au préalable, 2 bouées
CARIOCA ont été mises à l’eau dans une ambiance festive. Leur
fonctionnement satisfaisant a conduit à ne pas les récupérer
pour qu’elles continuent à collecter de précieuses données
sur une plus longue période (leur autonomie potentielle est de 1
an). Le suivi de leur trajet est aussi un apport précieux sur la
circulation dans cette région. Ainsi, au 8 février elles avaient
déjà parcouru un méandre complet. Presque 4 mois plus tard,
elles poursuivent leur collecte.
La
station 3 a été marquée par plusieurs interruptions à cause du
mauvais temps et surtout par la perte de contact avec la bouée dérivante,
suite à la défaillance concomitante de la balise Argos et du
dispositif acoustique (transpondeur). L’analyse des courants,
l’estimation d’une dérive probable, une observation obstinée
de la mer avec des jumelles, un peu d’intuition et beaucoup de
chance ont permis de réaliser ce qui paraissait impossible, repérer et récupérer la bouée instrumentée. Ce fut un grand
moment de la campagne. L’exploration de la grille avec le TOWYO
ne fut pas sans émotion également. C’était la première fois
que cet instrument était mis en œuvre avec un objectif aussi
ambitieux et chaque incident technique réveillait la crainte
d’un échec. Ces incidents furent heureusement maîtrisés et le
TOWYO a fait merveille dans le parcours de la grille,
la plupart des 313 profils (montée + descente) atteignant 1200 m
de profondeur, significativement en dessous des eaux antarctiques
intermédiaires. La deuxième station longue (station 7) a été
marquée par le relevage du piège
à particules emmêlé dans sa ligne et positionné sens
dessus-dessous. La mise à l’eau de la ligne instrumentée
avait été un modèle d’école, avec une mer calme. L’examen
des godets a révélé que la perturbation à l’origine de ce
retournement s’était produite dès l’installation de la
ligne, tous les godets étant dépourvus de particules. La seule
explication rationnelle retenue est qu’une baleine
ait retourné le piège, probablement d’un coup de queue, après
avoir été leurrée par le « transpondeur » qui y était
attaché, les sons émis se révélant ne pas provenir d’une âme
sœur potentielle.
Le
dernier clin d’œil de la nature a été l’éclipse solaire
annulaire qui a accompagné le dernier relevage (animé) de la bouée
dérivante et du piège à particules avant d’amorcer le retour.
Sur
les 343 opérations à
la mer programmées, 15% seulement n’ont pas été réalisées,
la moitié environ pour cause de mauvais temps; l’autre moitié
concerne essentiellement des traits de filets annulés par les intéressés
eux-mêmes. Les annulations pour cause de mauvais temps ne
concernent que la station 3 et deux arrêts sur la grille. Elles
ont affecté surtout le profileur de sels nutritifs. Cette
campagne se traduit donc par un taux
de réussite des plus satisfaisants. Elle comporte quelques
premières, notamment la mise en œuvre du TOWYO jusqu’à 1200 m
de profondeur et l’accompagnement avec un très léger différé
d’images SEAWIFS qui
ont conforté le choix du site d’étude dans cette perception à
grande échelle de l’océan austral. L’évolution des images
SEAWIFS a révélé une décroissance continue des signaux caractéristiques
de la chlorophylle a, situant la campagne dans une phase de post-efflorescence.
Les
contraintes de logistique avaient imposé à cette campagne un détour
par chacune des îles australes (Amsterdam, Saint Paul, Kerguelen,
Crozet). Cette contrainte s’est transformée en détente grâce
au beau temps qui a rendu possible une courte visite de Saint
Paul, Kerguelen et Crozet. Chacun a pu y faire provision
d’images et de souvenirs qui marqueront pendant longtemps la mémoire
de cette campagne.